Texte de Jean-Paul GAVARD-PERRET sur les œuvres de l’ artiste Odile ESCOLIER
Ainsi nous les suivons à la trace, en leur transparence ou leur opacité, abandonnées pas à pas à leurs traces. Quelques bribes encore pour raconter. Où sont-elles ? Dans la douleur de la nuit, en la splendeur du jour ? Peuvent-elles avancer encore ? Leur corps cherche leur corps aux rayons d’un mince soleil d’hiver au fond de la vallée. Dans le froid leurs indices : leur ombre est le pain du mort au cœur de la braise. Par bribes, raconter leur douleur qui laisse sans voix. Immobile midi sur leurs lèvres. Ressentir l’intensité de leur marche harassée. Sensation qui creuse encore. L’impossible abandon, l’impossible retour. Alors tourner en rond. Voilà. Voilà comment. L’hiver est tout ouvert. Il n’y personne d’autres qu’elles. Blancheur d’angoisse et de douceur. Mémoire, trop de mémoire en elles. Ne reste que la compacité d’une surface blanche. Devant leur regard les choses fondent. Des sons, des bruits mais pas au point d’en faire une voix. Se contenter du peu qu’on voit. Parler à travers ça. La langue bascule lourde de ses congères. Voici les femmes, les égarées : Lyeuse, Perle, Sentinelle, Silhouette. Entendez-vous leur pas ? Les mots ne font plus masse. La neige les remplace. Il s’agit d’empreintes au fond de la dérive, là où la pensée manque de prise. Ne reste que le battement sourd du vent comme celui d’une porte dérobée. Voici le bout du monde dans l’obscure clarté où soudain quelque chose a glissé.