Texte de Jean-Paul GAVARD-PERRET sur les œuvres de l’ artiste Odile ESCOLIER ( septembre 2006)
Pour entrer dans les tableaux d’Odile Escolier il suffit d’être élu : c’est-à-dire avoir gardé en soi la conscience de vivre dans un monde d’énigmes auxquels c’est en énigmes aussi que l’artiste répond, entre centre et absence.
Émergent des silhouettes parfois comme effacées, parfois presque monstrueuses, inquiétantes, à la limite de l’animalité ou de démoniaque comme si l’artiste poussait plus loin les errants de l’Enfer de Dante par Gustave Doré.
Est-ce nous ces fantômes, sont-ce d’autres que nous ? De quels fonds sont-ils venus ? Ne seraient-ils pas la conscience de notre propre être aussi hagard que réfléchissante ?
Le tableau devient plus qu’un miroir. On ne peut pas en faire l’impasse. Sur son fond, un centre organique entre la charge humaine et son fantôme. Est-on sur terre encore ou déjà dans un souterrain , ses abîmes et ses enchantements ?
Le tableau ne naît pas d’un concept, d’un plan. Il naît de la confuse exigence, de l’errance. Une ligne germe, une autre s’enferme, une autre encore renonce jusqu’à former des êtres surs et frères des taches venues du lieu secret pour retourner peut être au ventre humide de la terre-mère d’où elles sont à peine sortie.
Entrer dans le secret des choses. Suivre les lignes qui font masse : les unes se promènent, d’autres sont plus voyageuses encore : allusives, pénétrantes.
Derrière les traits à peine figés, cherchant désespérément une issue des êtres aussi silencieux que hurleurs. Car du pinceau de l’artiste voilà que tant bien que mal ils s’ébrouent en taches sombres.
Odile Escolier arrive aussi à marquer de leurs empreintes de couleurs les effluves qui circulent entre eux. Elle peint l’être en dehors de lui, elle peint son espace de survie.
Dans l’espace muet s’accomplit un monde qui n’est plus à faire mais à défaire.
Un monde des ectoplasmes et des pénitents ravagés faisant de leur être une présence lamentable, nécessairement lamentable. Et c’est là l’essentiel. Ne pas faire beau mais monter le vrai.