Texte de Jean-Paul GAVARD-PERRET sur les œuvres de l’ artiste Odile ESCOLIER
Franchir les œuvres d’Odile Escolier revient à accepter de passer la limite de l’être et de sa représentation, d’accepter le saut vers ce qui lui échappe, c’est à-dire pénétrer où il est enfermé lorsque » la maison de l’être » (pour reprendre la formule de Bachelard) n’est pas habitée mais ressemble plus à une citadelle engloutie où rodent des fantômes.L’œuvre est donc sans cesse un appel au retour ou au retournement. Nous sommes ainsi jetés hors de nous-mêmes comme si l’artiste refusait d’étirer plus longtemps dans le bistre, le blanc ou le bleu diaphane les stigmates de la douleur pour porter ses silhouettes oblongues vers sinon un plein, du moins un délié afin que la frontière n’existe plus entre le dehors et de dedans. Ce dernier ne fait plus résistance : il se lance vers la ligne d’un horizon comme si les pulsions morbides s’avachissaient enfin pour laisser la vie dans l’ordre de marche d’un désir accepté.
Le seuil du tableau n’est donc plus un leurre il peut devenir une jouissance. On touche au cri muet du déchirement, à ce qui s’extirpant de l’enfermement devient de l’ordre de l’ enfentement dans des images qui offrent une étrange proximité mais aussi un éloignement : ce qui nous retient demeure encore présent.
Tout reste ainsi en équilibre précaire, en formation, en expectative, espérant une levée d’écrous loin de tout fantasme du corps rêvé, si ce n’est par l’espace que l’image entoure. Le corps devient lui-même langage, mais non à la manière suppliante d’une Sainte rêvant son Christ homme, crucifié. Le corps est en retour à une matière jouissante peu à peu il s’approche de celui de l’autre entre à son contact en une sorte d’injonction silencieuse..
Reste le passage essentiel. Au cœur de l’enfermement il y a une effraction concrète qui provoque une invasion, un envahissement. C’est ainsi que les œuvres glissent leur lumière en l’abîme du corps là où Odile Escolier ose la pure émergence d’un lieu qui ne singe ni un dehors, ni un dedans mais va à leur jonction une fois l’instinct de vie ou d’espérance retrouvé.
On s’en remet à lui, on s’en remet à elle sur le chemin du corps en exil. L’artiste est là cependant pour le remettre en marche, pour le remettre en vie contre la mort toujours présente. C’est pourquoi dans leur solitude chaque silhouette rayonne de ce qui la déborde. C’est là un exercice de souveraineté face à au deuil et à la séparation.